Sortir c'est toujours mieux que de rester dans cette chambre minuscule qui lui rappelle que même ses toilettes étaient plus grands de l'autre côté de cette putain de terre. Au moins dehors, Benedict a moins l'impression d'être ce pauvre qu'il déteste au plus haut point. Il s'est pas adapté à cette vie en deux ans, il a pas trouvé la joie des plaisirs simples et de la réelle valeur de l'amitié ou ce genre de conneries. Lui, tous les jours il songe à tout ce luxe qui l'attend et auquel il devrait avoir un accès illimité. A son bateau qui doit rouiller sur le port où il est amarré, au nombre de gars qu'il pourrait se faire dessus s'il lui appartenait encore. Mais il est là, alors autant feindre un semblant de bonheur plutôt que de se morfondre et d'être encore plus pathétique que la populace en général.

Y'a cette soirée dans un bar, il en a entendu parler au campus à St Lucia. C'est parce que y'en a plusieurs qui s'y produisent en tant qu'artistes pas connus du tout que beaucoup de l'université s'y retrouvent, surtout ceux de là où il crèche en réalité. Ceux qui vivent dans des tentes -selon lui- doivent être occupés à faire un atelier poterie et poésie avec les plantes et les autres sont trop friqués pour aller simplement dans un bar. C'est là-bas qu'il devrait crécher, avoir la plus belle maison du campus et faire rager tous les autres comme il en avait l'habitude. Le premier groupe passe, ça s'écoute mais la chanteuse a la fichue manie de presque chialer avec ses reprises. Elle joue pas sa vie mais semble pas le savoir. « Une bière. » C'est pas la première, ça sera pas la dernière et en plus ça coute pas cher. Ça le tue de devoir réfléchir à ça maintenant, de devoir se faire chier dans un boulot d'étudiant pour se payer des verres de merde quand il a un peu le temps. Y'a une nana qui commande en même temps et faut baisser le regard pour la voir. Ça fait sourire de biais Benedict quand il prend sa première gorgée parce qu'au moins elle doit bien emmerder son monde avec toute la place que prend son fauteuil.

Il commence à discuter avec, se pose un peu et fait son petit numéro de charme. Il semble plaisant, un peu cassant mais les filles adorent ça, quoi qu'elles en disent sur leurs Twitter avec leurs hashtag féministes de merde. Y'a un mec qui se pointe, surement le sien. Benedict ne se démonte pas, il était pas en train d'la doigter non plus. « Lukas fait chasse gardée ? Relax mec, je discute juste avec la jolie Layla, je vais pas t'la voler. » Il boit une nouvelle gorgée, fait un clin d’œil amusée à la jeune fille.

La fille semble de son côté, c'est cool d'ailleurs qu'elle se sente pas comme cette chose fragile que l'on doit protéger ou qui est forcément une bonne personne parce que la vie a décidé de la clouer dans un fauteuil avec des roulettes. Elle doit jamais attendre debout au moins et c'est ce à quoi songe Benedict au lieu de songer à toutes les difficultés qu'elle doit rencontrer dans son quotidien et face à un monde pas encore assez adapté au handicap en général.

Il regarde sa chaise sans aucune gêne, il est rarement gêné par ses agissements le bougre. Quand elle lui annonce qu'ils sont de la même famille, il regarde le gars, puis elle. C'est des frère et soeur jumeaux alors ? Ils ont l'air d'avoir le même âge. Il croise les bras le temps qu'ils règlent leurs comptes puis la regarde partir en roulant vers d'autres aventures. Dommage, elle avait du répondant, plus que le gars qui l'ennuie déjà alors que Benedict termine presque sa bière. « Nous faire pardonner ? Sérieux c'est comme ça qu'tu dragues ? » Il émet un bruit de bouche proche de l'emmerdement et de l'agacement et boit sa dernière gorgée. Il aime la bite, y'a pas de problème mais il préfère laisser croire le contraire en société. Ça fonctionne comme ça depuis son arrivée et il a plutôt une réputation de coureur de jupons plutôt que d'avaleur de pénis. « Convainc ta soeur de revenir et j'te laisserai l'honneur de te noyer dans le bleu de mes yeux. » Il lui sourit grandement, lui met sa bière vide dans la main sans lui laisser le choix et lui fait un clin d’œil, le même qu'à la belle Layla.

Benedict n'est pas du tout dans l'optique de se faire le frère un peu trop collant. Alors il s'en fout de le vexer et de lui donner envie de l'insulter. Ça l'amuse même parce qu'ici on ose lui répondre, parce qu'ici, on ne tremble pas quand il annonce son nom de famille, on ne le sait pas puissant quand il était encore un fils aux yeux de son père. Il lève un sourcil à sa rétorque sur ses yeux. Elle est un peu nulle et heureusement qu'il y a du bruit et un fond sonore pour occuper les oreilles ses oreilles et ne pas l'emmerder totalement. « Super, génial.  » Il a rien d'autre à dire, juste à regarder vers la sœur en fauteuil qui lui plait et à songer comment il pourrait se servir d'une nana comme ça. Déjà pour pas faire la queue à certains endroit ça vaut le coup.

L'autre va chercher une bière, c'est déjà ça. Benedict en profite pour se glisser à une petite table avec deux chaises, qui vient d'être quittée par deux potes. Il tapote sur la table, sort son téléphone et envoie un sms à son coloc pour savoir s'il a bien fait les lessives parce que c'est son tour. La vie de pauvre, il ne s'y fera jamais décidément. Quand il relève les yeux, il voit Layla revenir avec le frère dont il a déjà oublié le prénom. Tant pis, il lui donnera celui du majordome historique chez lui tiens. « J'attendais juste la bière, pas la coupe de champagne. » Elle n'a pas besoin de chaise elle et c'est plutôt raté parce que du coup y'en a une pour le frère qui va pouvoir la prendre. « Ca t'ennuie pas de te faire chaperonner comme ça ? Il pense encore que ta vie appartient à ton père et qu'elle sera ensuite à ton mari ? Moi j'suis plus pour la libération des femmes, les gros sourcils, l'esprit ouvert. » Pas du tout en réalité, mais elle a pas besoin de le savoir pour le moment.

En tout cas, son côté un peu trop insupportable ne semble pas gêner la sœur à roulette qui semble ravie de revenir et de s'installer à la table avec lui, accompagnée de son aimant de frère. Benedict lui lance un regard d'ailleurs comme s'il était en train de lui dire : Sérieux mec ? T'as pas capté que t'étais de trop ? En plus, la soeur est clairement de son côté quand elle lui raconte que même ses parents sont de cet avis et qu'il fait ses études en fonction d'elle, encore une fois. Benedict arque un sourcil, songe à une blague un peu vulgaire sur l'inceste mais se retient de la dire par peur d'aller un peu trop loin. Il se contente de rire mentalement à son idée de vacherie et d'en sourire faiblement. « J'me disais bien que t'avais un trop bel accent pour ce pays... Me dit pas que tu viens d'Angleterre ! » Ça avait été un poil difficile à discerner avec tout le vacarme environnant mais maintenant Benedict n'entendait plus que ça. La douce mélodie d'un anglais qui se met à parler avec une manière de le faire tellement plus belle que tous les autres anglophones du monde. Il était chauvin aussi, mais comme beaucoup sur la vieille île.

En plus l'autre s'est décidé à partir et avec un tel point commun, Benedict est certain de marquer des points. Ils sont rares ceux qui détestent leur pays d'origine quand ils viennent étudier ailleurs, surtout quand ils trouvent des compatriotes. « Ça te manque pas un peu, la grisaille, l'odeur de la pluie au petit matin... Un putain de bon fish&chips ? » Voila, la discussion était lancée et Benedict pouvait remercier le ciel de lui faciliter autant la tâche.

Tout se serait si bien passé s'il n'y avait pas eu cette amie en pleure pour détourner l'attention de Layla. Mais les filles se soutiennent et même si Benedict se sait charmant, il n'a pas la prétention de faire le poids face à une amitié sans doute solide. Elle lui dit oui pour une prochaine fois et il lui donne son numéro pour pouvoir se retrouver un jour tant le campus Australien est grand et étendu.

Mais y'a l'autre qui est de retour et Benedict pensait sincèrement qu'il allait la suivre comme le bon petit chien qu'il semblait être, tout en ignorant le fait qu'elle ne voulait pas de lui. La soirée semblait un peu moins réjouissante et l'étudiant était déjà les yeux rivés sur son écran de téléphone pour lancer un appli de pari en ligne, histoire de tenter de se faire un peu d'argent. Il lui souhaite une bonne soirée également mais Benedict ne réagit pas, l'ignore totalement sans même daigner relever ses yeux bleus pour croiser les siens. Il s'en fichait de lui à la base et ça n'allait pas changer en quelques secondes. Il reste à jouer pendant quelques parties après avoir migré sur une appli de Poker en ligne mais n'est pas chanceux ce soir. Légèrement en colère, Benedict sort pour aller se fumer une clope et c'est une fois dehors qu'il se rend compte qu'il n'en a pas sur lui, en tâtant les endroits où elles auraient pu être mises. Il peste, déteste demander aux autres parce qu'il n'aime pas les refus, quand il voit que son grand ami de la soirée fume lui aussi. Il s'approche grand sourire, sûr de lui. « Tu m'en files une ?...Euh. Non j'vais pas faire semblant, j'ai pas retenu ton prénom. »

C'est osé quand même mais Benedict s'en fout parce qu'il n'a jamais eu cette limite de se dire qu'il allait un peu trop loin et qu'il devait revoir son jugement et surtout son caractère imbuvable. Toujours loué, presque toujours écouté quand il vivait de l'autre côté de l'océan, ce n'est pas en deux années exilé en Australie qui lui ont permises d'évoluer là dessus, même s'il s'est pris plus de claques que dans toute sa vie depuis, forcément. L'autre ne rechigne même pas à lui donner, il ne semble pas avoir la force de caractère de se monter contre quelqu'un qui ne s'est pas montré une seule fois amical avec lui. Chez les Harrington, ça s'apparenterait à de la faiblesse et la faiblesse n'est pas bonne quand on doit diriger un empire. En tout cas, Benedict prend la cigarette et lui prend aussi son feu pour se l'allumer, tant qu'à faire. Il tire dessus avec presque une pointe de soulagement parce que ça faisait trop d'heures sans nicotine déjà. « Ça donne la voix rauque, c'est un truc qui plait aux nanas, tu comprendras quand tu commenceras à plaire toi aussi. » Il s'appuie contre le mur où ils sont posés, pas plus agréable qu'avant mais un peu plus posé parce que sa dernière mise a été plus fructueuse que les autres, et qu'il est donc un peu plus de bonne humeur. « Pourquoi tu suis ta sœur si ça l'emmerde comme ça ? Elle est assise, pas sur un siège éjectable hein. Juste assise tout l'temps, y'a pire. » Discuter le temps de cloper.

C'est la seule fois dans la soirée où il ne parle pas pour l'emmerder mais juste pour faire la conversation. Pourtant c'est celle de trop ou bien le sujet sur lequel il ne fallait pas se lancer. A croire que Benedict était encore plus salaud au naturel vu la réaction de l'autre qui s'emporte comme c'est pas permis, juste parce qu'il vient d'entendre que sa sœur reste assise à longueur de temps. Il ne voit même pas le mal dans ses propos l'anglais, certain que si son frère beugle de la sorte, c'est parce qu'il a du s'imaginer qu'il était en train de traiter sa ptite sœur adorée de grosse feignasse. Y'avait même pas de ça.

Il lui fait pas peur avec ses menaces, parce que Benedict est une tête brûlée et si on l'attaque, il attaquera plus fort encore. Alors il garde ce petit air supérieur en passant de la clope à l'autre con qui s'énerve tout seul, pour lui indiquer sans un mot qu'il n'est pas impressionnant pour un sou. Et quand il se tire, il lui fait un fuck dans son dos, en tirant sur la clope qu'il lui a taxé. « On a pas besoin de savoir pour diriger le monde, connard ! » Parce qu'il y en avait plein qui y parvenaient sans aucun problème. Dans tous les cas, Benedict en a fini avec lui. Il reste une heure de plus et finit par rentrer, bredouille de la moindre conquête.