Le titre de ton histoirechapitre one Bébé crie, pleure. Sans arrêt. Difficile de combler ce petit être si fragile.
Bébé au destin tout tracé. Ou presque.
Maman l’a abandonné.
Papa l’a abandonné.
Arraché à sa famille, à ses origines, sa terre, aux siens.
Quel avenir pour petit être ? Incertain avenir.
Toni. Prénom masculin, court à deux syllables. Facile à prononcer, balancer comme ça, sans trop de réflexions.
Quel avenir pour petit être ? Des doutes, des pleurs, de la nostalgie, de la souffrance, des questions sans réponses, une identité bancale.
Voilà ce qui attends petit être. ***
Recroquevillée dans son lit, la petite fille se cache en dessous de ses draps aux motifs pokémon.
Elle attend que l’orage vienne à sa fenêtre. A sa porte. Qu’il vienne gronder.
Les minutes passent, l’orage passe le seuil de la porte. Toni avale ses sanglots, écoutant les pas se rapprocher, petit à petit. La foudre va s’abattre. Maintenant. Elle compte les secondes avec ses doigts. Le compte à rebours a commencé. 3..2..1..
« Renvoyé. Tu es renvoyé » assène la voix grave, neutre, ferme. Rupture de ce silence. Le silence était froid. La rupture glaciale. Pourtant aucune syllabe dépasse l’autre, tout est articulé, au même rythme, à la même tonalité. Le patriarche a parlé. Il faut assumer. Petite fille sort son petit visage de poupon de la couette, les yeux plissés, grimaçant.
« D-désolé, papa ».
Silence.
Encore pire que des mots.
Un silence lourd de sous-entendu.
La colère s’entend. Au-delà du silence.
L’orage s’approche encore plus du lit. Et vient s’asseoir.
Les yeux plissés de Toni deviennent ronds comme des soucoupes, ne cachant pas son étonnement face à cette situation.
Voilà un an que maman est morte. Accident de voiture. Percutée par un chauffard trop ivre, ce fut la mort sur le coup.
Tous les rôles sont depuis attribués au père. Dans les films, il y a toujours un bon et méchant flic. Pour les parents c’était plus ou moins pareil. Et lui voulait être le bon. Le comique, qui prend tout à la dérision, qui apprend des choses à ses enfants. Il ne voulait pas être le père moralisateur.
Aujourd’hui, il était obligé d’avoir ce rôle. Et pour le dire clairement dans son langage, ça le faisait chier, ce cher Monsieur Zacharias.
Il soupire.
« J’aimerais juste comprendre comment ma fille de 8 ans a réussi à se faire renvoyer de son école ! 8 ans, bondieu ! Et pour avoir foutu un putain de coup de poing à une de ses camardes ! », son sang fait qu’un tour. Tentative de contrôle.
« Pardon » s’excuse-t-il par rapport au mot vulgaire prononcé. « Allez viens » dit-il tapotant l’espace vide à côté de lui, l’invitant à sortir totalement de sa cachette. Toni s’exécute.
« A l’école, on nous a demandé de faire un arbre généalogique et de le présenter à la classe ». Papa Zacharias grimace. Se doute de la suite.
« Chérie..pourquoi tu ne m’en a pas parlé.. »,
« je voulais pas t’embêter avec ça. Et puis ça me paraissait simple de le faire. Je me suis mis et tout, autours j’ai mis pleins de points d’interrogation. Et j’ai fais un cœur à côté avec vous tous. ». Papa Zacharias tend son bras, pour la réconforter. Et puis il se rappelle. Qu’il est là pour la gronder. Distance, garde la distance, pense-t-il.
« Continue. » « J’ai tout dit. Que ma famille, j’lai aimais. Mais que c’était pas vraiment ma famille. Que ma vraie famille, bah je les connaissais pas. Mes vrais parents m’ont laissés. Et que j’avais une petite sœur aussi, mais qu’on savait pas où elle était, ni à quoi elle ressemblait. Sans doute à moi. Tu crois qu’elle me ressemble papa ? » L’homme se tait. Toujours la même conversation. Et il savait que Toni était assez maligne pour tenter de contourner la véritable conversation qui était en train de se jouer.
Toni inspire.
Sanglote.
Elle n’a pas envie de continuer son récit. Mais elle le doit. Se soumettre à ce regard inquisiteur.
« Je sentais bien que certains se moquaient de moi. Je voyais bien le regard de cette fille sur moi. Qui ricannait et chuchotait des choses aux autres. Mais j’ai pas pleuré. Et à la récré, cette fille est revenue. Elle m’a dit des méchantes choses. Elle m’a dit que c’était parce que mes parents ne m’aimaient pas qu’ils m’ont abandonnés. Que ceux qui m’ont adoptés, ils avaient eu pitié de moi.Que personne ne pouvait m’aimer car j’étais nulle et laide. Et elle a commençé à chantonner ces paroles en dansant autours de moi ‘OH LA NULLE SANS PARENTS’ elle criait, criait..et là je lui ai balancé mon poing dans la figure. Bam ! » conclut-elle en imitant le geste qui a valut son éviction de l’école.
« Et j’étais bien, heureuse après. C’est mal, papa ? ». Son père la regarde, tendrement.
« Cette fille a-t-elle eu mal ? ». Toni incrédule, réfléchit quelques secondes.
« Heu en tout cas elle avait l’air d’avoir un bleu et elle a pleuré après. ». Papa Zaccharias se lève, embrasse sa fille sur le front.
« Bravo, ma fille, je suis fière de toi ». Il se lève prêt à quitter la pièce.
« Attend papa ! », Toni, séchant ses larmes
« Je t’aime ».
***
Toni grandit. Avec l'affection de son père, et de ses "frères". Evolution dans un monde d'hommes. Papa Zaccharias transmet sa passion des beaux cylindres. Enfin une fille qui s'y connait en mécanique, il en est fière. Toni aime sa famille, malgré ses défauts, malgré les canards boiteux,les écorchés vifs qu'elle contient. Elle en a passé de mauvais moments. A se battre, insulter, souffrir et faire souffrir ces frères de toit.
Elle en a passé de bons moments à rire, s'entraider, se confier, jouer. Elle n'oublie pas ces moments. Mais Toni a envie d'un nouveau chapitre.
Elle a 16 ans. Elle étouffe. L'âge rebelle. L'âge de la crise. L'âge où on fait le mur pour retrouver son don juan.
Toni ne veut plus de cette vie communautaire. Sans intimité. Elle ne veut plus qu'on s'occupe d'elle. L'indépendance, quel rêve.
Elle quitte le cocon.
Pour trouver l'enfer.
chapitre two Enfant, fut un garçon manqué. Ecorché vif, à la recherche d’une identité.
Perdue, elle l’était souvent.
Toni, au caractère de feu mais au cœur sensible, fragile. Et de plus en plus fragilisée par les chagrins d’amour.
On dit souvent qu’on se rappelle toujours de son premier amour. Qu’il laisse des traces. Cet amour n’échappe pas à la règle. Il a laissé des traces dans l’âme, dans l’esprit, sur le corps. Des cicatrices, à jamais.
L’amour frontal, violent, brut, passionnel. Beau, magique au début, les premières semaines, les premières heures.
Plus tard, ça brise, ça fracasse.
Adolescente meurtrie. ***
Adolescente meurtrie, tremble de tous ses membres. Les larmes coulent, mouillant ses pommettes, rougissant ses yeux noisettes. Elle explose sa peine, sa douleur, sa souffrance. Elle sert son corps fort, l’étreinte jusqu’à la démarcation. Comme pour réconforter ce corps, qui en a subi des horreurs. A moité à poil, Toni se tétanise. Elle l'entend.
Le monstre derrière la porte.
« Bébé » dit-il de sa voix mielleuse. Il s’approche face à une jeune femme vide de l’intérieur, immobilisée par l’effroi et la peur. Seule sa lèvre inférieure tremble à présent. Le monstre l’embrasse. Diffusant son poison partout sur ce corps meurtri. Il ne s’excuse pas, il ne s’excuse jamais.
Une nuit arrosée. Comme presque toutes les nuits. Drogue, alcool, excès. Jeunesse décadente qui n’a plus de limites. Vivre une passion dévorante, se cramer les ailes par amour mais à quel prix ?
Elle le regarde dans les yeux. Revoit son regard de voyeur, ses yeux de monstre dans la nuit.
Le diable au corps, la rage au ventre. Elle pète un plombs. Elle crie. Se secoue, comme prise de convulsions. Elle le frappe, encore et encore. Pour lui faire mal, comme il lui a fait mal. Même si ce n’était pas physique. Elle le frappe, encore et encore. Dans l’espoir qu’il sente la douleur qu’elle a ressenti et qu’elle ressent toujours. Mais il ne sent rien. Elle le sait que ses efforts ne servent à rien. Elle continue pourtant.
« Pourquoi tu les a laissé faire putain ?! Toi et tes putains de potes. Tu les a laissé me toucher ! Tu m’as regardé me débattre jusqu’à ce que je n’en peuve plus. Je te hais ! Tu vas me le payer »Lumière éteinte dans cette pièce. Comme dans les yeux de Toni. Elle aimerait reprendre le contrôle, comme au début. Mais c’est lui maintenant qui l’a tient. Comme une marionnette. Elle n’est devenue qu’une chose qu’on baise et qu’on partage au pote. Elle n’est devenu qu’un meuble sur lequel on s’énerve après une journée bien pourrie. Elle n’est devenue qu’un objet précieux qu’on garde et prive de tout.
« Sale pute ! », il l’a gifle un peu trop fort, toujours contrôlée par l’alcool, bête noir dont il n’arrive pas à décrocher.
Toni tombe.
Pièce où la blancheur immaculée se fait remarquée.
Blancheur immaculée soudainement tâchée. Tâchée par la haine, la colère, la jalousie. Le passionnel a fait son œuvre d’art. Œuvre macabre. Flaque d’hémoglobine. Le sang coule, coule jusqu’à la porte.
La belle au bois dormant se réveille. La tête fracassée. La maison sur son front, prise d’effroyables migraines. Ca cogne dans tête et ça ne veut pas s’arrêter. Tout est embrouillé. Enfin presque. Une chose résonne comme une certitude. C’est finit d’être une marionnette emprisonné dans l’antre du monstre. Elle doit fuir.
Même si ça fait mal, parce qu’au fond, elle l’aimait ce monstre.
chapitre three Tout s’efface. Pour réécrire une nouvelle histoire. Malgré que certains schémas se répètent.
Toni a retrouvé un certain éclat dans les yeux.
Femme libérée. Indépendante.
Solaire, energique, ambitieuse. Toni devient femme.
Heureuse ? Pas forcément. Bonheur artificielle, trop souvent blessé, le passé a du mal à cicatriser.
Elle aime toujours par passion. Toujours les mêmes mecs. Les infréquentables, les mauvais mecs, les dangereux. Ceux où la confrontation sera rude. Elle ne peut s’empêcher d’être attiré par ce qui lui fait mal. Amour masochiste. Mais rien ne sera pire que le monstre du passé.
La drogue et l’alcool continue à faire partir de sa vie mais elle ne le ressent plus comme un poison. Plus comme un ancien amour qui reste encore un peu et dont elle ne s’est pas se détaché. A petite dose, parfois un peu d’excès mais elle a le contrôle.
Enfin, elle contrôle sa vie.
Enfin, presque.
Les mois, les années passent et Toni s’endette. Les substances illicites, ça coute, ça creuse le porte monnaie. Elle ne veut pas d’aide son père ou d’un de ses frères. La honte. Elle a déblatéré tellement de discours sur son indépendance et le fait qu’elle s’en sortirait seul. Ne pas se rabaisser à demander de l’aide aux siens. Alors, elle essaye de s’en sortir comme elle peut.
Ne rien dire, se taire. Ne pas confesser son passé, montrer qu’elle est forte. Ne pas confesser la peur qui reste toujours là, présente. Les menaces qui continue à pleuvoir. Le monstre l’observe, l’épie. L’impression de sentir sa présence derrière elle, à chaque fois.
La peur qu’il revienne.
Toni ne supporte pas d’être protégé. Jeune fille fragile ne veut pas asusmer qu’elle en a besoin. Elle veut s’en sortir seul. Mais cette nuit, tout va changer.
Une nuit banale en apparence.
Toni sort un peu éméchée d’une soirée sympa avec ces copines. L’alcool lui fait oublier la méfiance qui caractérise son quotidien. Elle marche dans les rues sombres, entendant que le bruit des cliquetis de ses talents. Elle s’arrête un moment. Une seconde. Une seconde qui a suffi à entendre qu’elle ne partageait pas le bruit brisant le silence seule.
Ils sont là. Derrière elle. C’est trop tard, il n’y a pas d’échappatoire. Exécution des menaces qui tournent autour d’elle depuis plusieurs mois comme une épée de Damocles. Elle veut crier mais elle sait qu’on ne l’entendra pas. Elle ne se bat pas, elle sait que la bataille est perdu d’avance. Accepter les coups, de ces 5 hommes qui l’encerclent.
Elle se demande pourquoi. Cette punition.
Etre puni pour avoir trop aimer.
Tel est son châtiment.
Elle souffre en silence. Elle ettouffe ses cris de douleurs, pour montrer qu’elle est forte.
Elle accepte les insultes qu’on lui jette en pleine figure, aussi violentes que les coups simultanées. Tourbillon de douleurs. Elle entends ses mots, sans doute dicté. Elle sait que c’est lui. Le monstre est revenu.
Cela n’a duré que quelques minutes, mais c’était si long. L’impression de se faire torturé pendant des heures.
Elle ne sait pas combien de temps elle est resté seule, dans cette ruelle, l’hémoglobine dans la bouche, la peau lacérée, les yeux gonflés. Assez pour avoir froid, assez pour se dire qu’elle allait crevé. Soit dans cette ruelle, soit en s’achevant. Et puis alors qu’elle sentait s’endormir, elle a vu cette ombre. Une ombre rassurante, les yeux bienveillants. Mieczyslaw. Ce visage qu’elle connaissait. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire, car au fond, elle sentait. Qu’il serait son sauveur.
chapitre four 22 ans. Mariée. Personne n'y croit à vrai dire, personne ne comprend. Femme enfant. Aimant se sentir libre, profiter de sa jeunesse et de sa vie d'étudiante. Là voilà lier à un homme d'âge mur.
Cela s'est décidée cette nuit-là. Acte irréfléchie ou préméditée, elle ne sait pas comme le voir.
Une seconde vie. Toni renait de ses cendres. Elle était morte cette nuit-là. Et a réssucité cette même nuit.
Il lui avait fait cette proposition indécente. Jouant le rôle du bon samaritain. Impulsive, elle a dit oui directement.
La sécurité, voilà ce que ce mariage lui promettait. Une sécurité financière, avec cette promesse d'effacer ces dettes. Une sécurité pour sa propre vie. Avoir un homme à ses côtés, allait faire fuir le monstre, enfin elle espérait. Il lui promettait d'être à ses côtés, de la protéger.
Elle qui pourtant déteste ça. Elle assume maintenant qu'elle en a besoin.
Ils se sont liés par intérêt, pas par amour.
Il n'a pas le profil de ce qui attire Toni. Ils ne se ressemblent pas, n'ont pas grand chose en commun.
Pourtant, elle ne peut s'empêcher de se dire qu'il est l'homme parfait. Que toute femme rêverait d'avoir.
Elle se rassure avec ça et le remercie chaque jour de l'avoir aider à ne plus vivre dans la peur et a enfin respirer.
Mais il y a une chose qu'elle garde encore pour elle. Un manque. Celui de ses origines. Qui est-elle vraiment ?