Boulevard of broken dreams

chapitre one Les opales fixant le goudron asséché par la pénurie d’intempéries, tu redresses finalement la tête pour faire face au surveillant de l’établissement, visiblement furibond. Ses mains agrippent ton bras avec une rare force, t’obligeant alors à le suivre dans le bureau. Ta force d’enfant de dix ans ne peut rivaliser. La raison de cette colère ? Ton arrogance habituelle et ta volonté de le corriger quant à sa faute de français qui t’a paru insoutenable. Personne n’est habitué à croiser un tel gamin, tes capacités hors normes ne sont clairement pas les bienvenues dans cette école. La porte s’ouvre et te voilà au centre de l’attention du directeur. Ses yeux noirs te fixent, détaillant la moindre de tes réactions. Tu l’imites, créant un échange visuel plus que tendu. Aucun mot n’est sorti, la tension est palpable. Mais bientôt, tes oreilles vont siffler, les reproches fusant à ton égard. « Garett, tu n’es pas à ta place ici. Tu t’ennuies en cours ? » Assis sur le siège en bois, inconfortable, tu cesses de gesticuler pour hocher la tête, d’un air approbateur. Les cours te paraissent beaucoup trop aisés, tout te semble acquis. Cet excès de connaissances n’a échappé à personne, sauf à tes parents. « Je vais les appeler pour que nous puissions discuter. » Ton cœur se serre, imaginant déjà la réaction de ton père. Lui qui ne jure que par sa ferme et ses vaches sera bien déçu d’avoir un fils surdoué et dont de longues études sont promises. Et comme dans tes craintes, la déception s’est installée malgré les mots raisonnés de ta mère. Il sait ce qui t’attend. Désormais, tout semble plus clair et il comprend pourquoi tu parlais peu. Une déception mais pas totalement, car après tout, rien ne dit que son fils adoré ne reprendra pas son affaire sans considérer une seule seconde que ta génitrice aspire à autre chose. Finalement, les deux semblent oublier qu’ils ne sont aucunement maîtres de ton avenir. Mais à ton âge, tu ne songes aucunement à te rebeller, suivant leurs consignes et les regardant se déchirer, impuissant. La porte se ferme et vous rentrez à la maison, le cœur lourd, en silence et ce durant tout le trajet. Brisbane ne t’a jamais paru aussi grand. Ce même silence est brisé lorsque vous passez le pas de la demeure. L’enfant que tu es ne souhaite pas s’attarder ici et grimpe dans sa chambre, laissant les deux adultes à une longue discussion. De l’étage, l’on peut discerner leurs voix véhémentes s’entrechoquant avec férocité. Prêts à exploser et évidemment en désaccords, ils campent sur leur position. Un dialogue de sourd pendant près de deux heures jusqu’à parvenir à s’entendre. Ton père est têtu, défaut dont tu as hérité. Le moment du repas est calme, une conversation aux banalités exaspérantes jusqu’à ce que ta mère ne lâche une bombe. « Mon chéri. Pour ton bien, nous avons décidé de t’envoyer dans un établissement spécialisé pour les enfants comme toi. » Tes opales se lèvent aussitôt de ton assiette, manquant d’avaler de travers. Le choc est tel que ta bouche s’ouvre mais se referme aussitôt. Encore une fois, tu te contentes d’hausser les épaules et d’acquiescer. Les Rhodes ne sont pas habitués aux effusions et encore moins aux sentiments. Une éducation rude où les membres ne doivent rien montrer et dont tu as pris les habitudes. Mais au fond, ce changement te laisse un goût amer. Que vont devenir tes copains ? Les reverras-tu ? Comment seront les enfants là-bas ? Tant de questions promettant une rentrée mouvementée. Le premier jour a sonné. Un nouveau départ angoissant. Sur le pied de guerre, ton père t’y dépose, ne t’accompagnant pas jusqu’à l’entrée, d’un air boudeur, il te salue puis part. Le sac sur les épaules, tes pas te mènent jusqu’à l’entrée de ce bâtiment ressemblant à un hôpital. Loin de se douter ce qui t’attend, tu entres pour de bon, l’épaisse porte se refermant derrière ta frêle silhouette. Tu y passes les meilleures années.

chapitre two L’école primaire s’achève, tes parents manquant cruellement d’argent causé par les nombreuses années dans cet établissement spécial. Le retour à la réalité s’avère compliqué pour un gamin tel que toi. En plus d’être assez associable, les traces de la puberté laissent des traces conséquentes sur ta peau, disgracieuse, sujette aux moqueries. « Regarde-le avec ses grosses lunettes, il fait vraiment intello. » chuchotements à ton encontre accompagnées de rires. L’on t’évite tel un pestiféré, la risée du collège. Plus que jamais, tu te plonges dans un monde virtuel grâce aux jeux vidéo, ton ordinateur devenant ton refuge. L’étiquette du nerd, du looser en puissance te colle à la peau pendant toute la suite de ta scolarité. En dépit de cela, tes notes excellent. Tu es le petit intello, celui qui sait tout sur tout et qui n’hésite pas à le revendiquer. C’est pourtant tout l’inverse. Tu fais tout pour passer inaperçu. Plus le temps passe et plus t’as la sensation d’être bien trop différent des autres, tu préfères le calme, tu n’aimes pas que l’on t’observe et tu te fonds dans la masse.

Les désaccords avec ton père sont de plus en plus intenses. Ce dernier souhaite que la chair de sa chair reprenne sa ferme, l’agriculture est toute sa vie, mais pas la tienne. Ce choix marque un profond divorce en lui et toi. Si ta mère tente de tempérer la chose, elle n’y parvient pas. Avec le temps et les années, ton argumentation se développe, devenir fermier n’est aucunement ton désir. La discussion est stérile. « Je n’ai pas envie de prendre ta suite papa, il faut que tu le comprennes. Ce n’est pas mon projet. » Le visage de ton paternel se décompose, il se renfrogne, tapant sa main sur la table de la cuisine, preuve de son agacement. « Pour faire quoi ? Pour passer tes journées devant ton zinzin là ?! » Un soupire traverse la barrière de tes lèvres face à ses mots. Il ne sait rien de toi, ni que tu as reçu la lettre de la fac Queensland. Ton admission est effective. La gorge serrée, tu prends le bout de papier de ta poche pour le poser face à lui, ta mère quant à elle était dans la confidence. « Je suis admis là-bas. » Ta voix est cette fois-ci plus calme, remarquant l’air hagard qu’affiche ton père, ce dernier te pousse pour aller se réfugier dans une autre pièce. Tes poings se serrent alors que tu comprends qu’un retour en arrière n’est plus possible. Ton regard embué de larmes croise celui de ta mère qui te réchauffe par son sourire et ses caresses sur tes cheveux. « Il n’est pas facile, mais avec le temps… » Tu baisses tes opales, résigné mais le cœur lourd de voir une telle incompréhension de la part de ton père.

Quittant le nid familial, ton paternel ne daigne même pas te saluer une dernière fois, devant la télévision, une échappatoire. Résigné, tu quittes ta famille. L’arrivée à Queensland est un grand renouveau, là, ta réputation ne t’a pas suivi, tu es un inconnu total. Tes études te passionnent bien plus que de raison, la vie étudiante n’est pas désagréable. Néanmoins, tes soirées se limitent aux jeux vidéo, jusqu’à ce que ton chemin ne croise celui de Kaylan qui est parvenu à te faire sortir de cette solitude. Il te fait découvrir d’autres aspects de la vie étudiante. L’on dit que l’alcool désinhibe, ce qui est loin d’être une rumeur. Dans l’euphorie, tu lâches une information que tu n’aurais jamais pu sortir sobre. « Je suis puceau les gars ! » Le verre à la main, tous sont hilares et toi aussi. Depuis, ce surnom ne te quitte plus. Vraiment, cette vie loin de ton foyer te rend plus heureux que n’importe quoi.